Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo

Publié le 26 Février 2014

 

Quand j'étais gosse, ou plutôt adolescent, un petit détour sur le chemin du collège me permettait de passer devant le concessionnaire Kawa local pour y admirer les nouveautés. Jusque là, le gros cube par excellence était la Honda CB 750. Luxueuse, balèze, chromée, elle fut longtemps ma référence absolue jusqu'à ce que, dans la vitrine de ce fameux marchand, apparaisse la Kawa Z 1000 (né trop tard, j'avais raté l'épisode 900 Z1, peu intéressé que j'étais en 1969 par la chose motocycliste). Un machin encore plus balèze que la Honda, tout carré, avec une peinture métallisée comme les bagnoles. Le petit cartel posé au sol devant la moto indiquait la copieuse puissance de 90 chevaux. Pour mémoire, la 504 TI de mon paternel (la bleue avec les jantes alu) en sortait une centaine et apparaissait comme une voiture de course aux yeux de mes potes. C'est vous dire que ça respirait le brutal, l'huile, la benzine brûlée en masse, le burrenoutte et la course. D'ailleurs, au pays de l'oncle Sam, la Kawa brillait au firmament du championnat superbike.

Mais vers la fin des années 70, la Z 1000 est un peu à la peine. Les ingénieurs d'Hamamatsu (comme on dit dans les magazine moto pour éviter les répétitions) étaient des cadors du moteur mais des brêles du châssis. Et pendant ce temps là, la concurrence sortait des lames aussi bien motorisées que les kawas mais meilleures vireuses et super freineuses (enfin, pour l'époque). Bref Kawa était à la ramasse et les ventes de la Z 1000 sur le territoire américain, son principal marché, baissaient inexorablement.

C'est alors que l'importateur Kawa au Japon, désireux de restaurer sa suprématie le temps que sa maison mère mette au point un nouveau missile, croisa le chemin d'Alan Mazek, l'un de ses anciens employés américains fondateur depuis de TCC, Turbo Cycle Corporation, un fabriquant de kits permettant d'adjoindre un turbo à pratiquement n'importe quoi équipé d'un moteur à combustion interne. Mazek et ses troupes proposèrent aux dealers américains, soucieux d'écouler leurs invendus, de produire 250 exemplaires d'une série spéciale de la Z 1000 baptisée Z1R TC (pour turbocharged). La transfo était des plus basiques puisqu'elle se résumait à l'adjonction d'une ligne d'échappement spéciale sur laquelle était greffée un turbo connecté à un seul carbu Bendix de 38 mm. Le turbo possédait une wastegate réglable de 6 à 10 psi par la simple grâce d'un coup de tournevis. Et c'était tout. Pas de modifs moteur, rien sur l'embiellage ni sur le vilebrequin ou les soupapes. Encore moins sur le cadre, les suspensions ou les freins. Et je ne parle même pas des pneus.

Bon, avec tout ça, la kawa faisait péter (au sens propre, si j'ose dire) 130 chevaux de très mauvaise humeur, surtout au réveil. Parce que là, mon ami, on est au début des années 80, alors le turbo progressif, tu oublies. Ici, c'est du ricain, du couillu avec des poils dessus ! Sous les 7000 tours, c'est une Z 1000, au dessus, c'est l'enfer qui déboule. Et puisque rien d'autre n'a été amélioré sur la moto, quand l'enfer déboule, il le fait un peu en désordre. Le cadre se tord, les amortos s'écrasent, les pneus gémissent et le guidon guidonne. Mais cet enfer là, nous autres motards, on appelle ça le paradis.

Ce paradis là a un prix. Celui de la fiabilité. On ne compte plus les récits de casses moteurs survenues après quelques centaines de kilomètres de roulage à peine (faut dire que la fameuse wastegate réglable l'était plus souvent à 10 psi qu'à 6), les bielles artistiquement courbées, les vilebrequins fugueurs, les salades de soupapes à la vinaigrette de pignons... Et quelques morts aussi, sans doutes. 

Faux culs, les marchands ricains avaient concocté une série spéciale à la seule destination de la presse avec des vilos renforcés, des cadres rigidifiés, de meilleurs amortos et tout ce qu'il faut pour que la moto leur plaise. Ces modifs étaient également proposées au client de base, mais moyennant un considérable supplément qui s'ajoutait à la déjà copieuse augmentation de tarif (5000 $ au lieu de 3500 pour la Z 1000 de base). Autant dire que rares furent ceux qui s'offrirent l'upgrade, désireux sans doute d'économiser un peu pour l'essence, les pneus et les frais d'hospitalisation. A ce propos, la légende veut que les concessionnaires qui vendaient ces folles machines faisaient signer à leurs clients une décharge limitant les possibilités de recours de ces derniers en cas d'accident. La vérité est un peu différente : les clients signaient bien une décharge, mais celle-ci signifiait leur renoncement à toute garantie du fait que les pièces du compresseur n'étaient pas validées par la maison mère japonaise.

Tout de même, une telle absence de fiabilité, ça faisait tâche. Une seconde série de Turbo Z verra le jour l'année suivante qui intégrera les modifs des motos de presse, ainsi qu'une chouette peinture façon Craig Vetter qui aurait trop regardé Bioman à la télé. C'est la meule orange et noire des photos, celle que je préfère (oui, j'aime bien Craig Vetter).

Las, Kawasaki n'aura pas l'occasion de donner de suite officielle à ces spéciales d'importateurs. Le durcissement des lois américaines sur les émissions polluantes (surtout quand ces pollutions émanaient d'engins japonais) mettra fin à la vogue des gros cubes turbo compressés. Il faudra attendre le milieu des années 80 pour que paraissent des modèles de moyenne cylindrée comme la Honda CX Turbo (yerk) pendant que nous, européens, profitions de la légendaire (mais un rien difficile à entretenir) 750 GPZ.

 

Ca et là, de temps en temps, ressortent des projets de moteurs suralimentés qui, malheureusement, reposent tous dans les tiroirs de leurs concepteurs. C'est dommage. ça faisait du bien de voir que les firmes d'alors pouvaient proposer des motos de voyous et les assumer...

 

 

Source : soyons francs, la quasi totalité de l'article est pompée sur ce merveilleux site en anglais  (Oddbike.com). Je vous invite d'ailleurs à lire l'article en entier, beaucoup plus riche que celui-ci en détails techniques et plein d'allusions "tongue in cheek" du meilleur aloi.

 

Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo
Kawasaki Z1R TC ou les aventures du saucisson Turbo

Rédigé par VonSonntag

Publié dans #Bielles chaudes

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Hors donc je tombais sur votre pépite et sa magnifique photo d'ouverture , juste après avoir visionné ça : http://www.youtube.com/watch?v=RdGT2bjCZT8<br /> Quelle rigolade ! Ils sont tous frappadingues comme je les aime ces Ricains ! Des fois que certains doutent de l’utilité des wheelies bars !<br /> Cela peut-être risqué de souffler trop fort dans des trous trop petits !<br /> Question souvenirs de Kawa sanglantes , alors que j'en étais encore au vélo par la force des choses , un de mes voisins se gaufrait en Mach1 , l'autre en Ninja 1ère du nom....quelle rigolade disais-je ?!
Répondre
A
Sympa ton récit, moi je n'ai pas connu toute ces évolutions car je suis né assez tard mais ça ne m'empêche pas d'être admiratif devant certains ancien modèle de collection... et j'imagine qu'avec la nostalgie on sait d'autant plus les apprécier.
Répondre
K
Très bel article sur cette époque où les motos étaient bien plus puissantes que ce que le châssis ou les freins ne pouvaient supporter. Beau voyage dans le passé !
Répondre