Les petits lus de l'année
Publié le 4 Janvier 2013
Quand j'étais môme, je tenais des cahiers dans lesquels je notais les titres des livres que je lisais, accompagnés de commentaires, histoire de ne rien oublier. Puis je perdais le cahier et j'en recommençais un autre... Magie de l'informatique, j'ai repris cette manie ridicule et, par la grâce du Cloud, j'ai pu la préserver du désordre et de l'oubli. Retour donc sur une année de lectures, conservées dans leur ordre chronologique.
Chester Himes une vie, James Sallis, Rivages
Où il apparaît clairement que le romancier Chester Himes était un gros casse-couilles égocentrique, pas fiable, geignard. C'est fou comme parfois on
peut devenir un grand écrivain malgré soi...
La moisson rouge, Dashiell Hammet, Folio noir
Un cauchemar. La pire traduction que j'aie jamais lue. A ne pas comprendre pourquoi Hammet est devenu à ce point légendaire en France, desservi qu'il
est par un traducteur qui s'échine à faire ressembler la Poisonville du livre et ses habitants aux personnages d'un film d'Autan-Lara. Heureusement que j'avais lu le bouquin en anglais. J'espère
que la nouvelle traduction parue en 2009 répare cet outrage à la littérature et à Hammet.
Les enfers virtuel T2, Iain M. Banks, Robert Laffont
Je lis le Cycle de la Culture de Banks depuis la parution de L'Homme des jeux. Cette fresque anarcho-utopiste m'est assez incompréhensible mais je ne puis m'empêcher de trouver cet ensemble fascinant, alors je continue.
La conjonction interdite, Raphaël Zarka
Un curieux texte à double détente de R. Zarka sur le skate et sa place dans la nomenclature de l'Homme et les jeux de Roger Caillois. Du skateboarding considéré comme une vision du monde. Beau texte qui ouvre pas mal de pistes de réflexion sur les pratiques urbaines et leur sens esthétique et politique.
De l'esprit chez les abrutis, Aleksandar Hemon, 10:18
J'ai le souvenir d'avoi bien aimé ce roman, mais je ne m'en rappelle plus, sinon des scènes de guerre.
La disparition de Majorana, Leonardo Sciascia, Allia
Entendu parler de ce livre sur France Culture et acheté dans la foulée. Un texte sur Ettore Majorana, physicien italien de l'avant-guerre, bizarrement
disparu en mer en 1938 en laissant derrière lui un bon paquet d'énigmes.
Les boutiques de cannelle, Bruno Schulz, Gallimard, L'Imaginaire
Un ensemble de textes de cet écrivain juif austro-hongrois qui n'aura publié que deux recueils de nouvelles avant d'être assassiné par la Gestapo en
1942. On y trouve de curieuses résonances, de Gustav Meyrink à Kafka en passant par les contes Yiddish de Singer. C'est absolument magnifique.
La taupe, John Le Carre, Points Seuil
Pour apprécier le John Le Carré d'aujourd'hui, il faudrait n'avoir jamais lu ses romans de la guerre froide. Brumeux, sombre, complexe et infiniment
triste, La Taupe est presque aussi beau que Les gens de Smiley.
Traverses, Jean Rolin, Points Seuil
J'aime beaucoup Jean Rolin, mais je crois que j'ai tout oublié de ce livre, que j'ai perdu, de surcroît.
Une poire pour la soif, James Ross, Folio policier
Traduit par l'excellent Philippe Garnier, une histoire rurale américaine, violente et cynique, un peu dans l'esprit de 1275 âmes de Jim
Thomson. C'est à ce jour, je crois, le seul roman publié par James Ross, qui écrivit ce texte avant de renoncer et de devenir journaliste d'un petit canard local.
Le Maître du haut château, Philip K Dick, J'ai Lu, Nouveaux millénaires.
Pour les 30 ans de sa mort, J'ai Lu a décidé de retraduire et de republier l'oeuvre du génie cinglé de l'Amérique post sixties. Tout ça reste plutôt
indispensable.
La soif primordiale, Panlo de Santis, Métailié
Un joli texte érudit qui mêle références borgesionnes et littérature fantastique populaire dans le Buenos Aires des années 50. Sympa mais
dispensable.
Lointain souvenir de la peau, Russell Banks, Actes Sud
J'ai eu le plaisir de retrouver le Russel Banks que j'aime. Celui de De beaux lendemains et de Sous le règne de Bone. Un récit
de l'Amérique des exclus, avec comme toujours cette empathie distanciée qui donne une qualité assez particulière aux personnages. Pas son meilleur, mais un beau livre.
Les Anonymes, James Ellory, Livre de poche
Mouais...
L'urgence et la patience, Jean-Philippe Toussaint, Minuit
Une série de réflexions un peu prétentieuses sur l'art décrire par un auteur un peu prétentieux lui aussi, mais qu'il est difficile de ne pas aimer au
vu de la qualité de ses derniers romans.
Neverwhere, Neil Gaiman, j'ai lu
J'ai attaqué Neil Gaiman par la face American Gods et Anansi Boys. Du coup, tout est moins bien après. Il n'en reste pas moins que ce
mec est un formidable inventeur/raconteur d'histoires dans lesquelles il recycle avec beaucoup de talent le fonds commun des mythologies contemporaines.
Sniper, Nicolaï Lilin, Denoël
J'ai bien peur d'avoir perdu mon temps, là...
Platte River, Rick Bass, Christian Bourgois
Trois très beaux textes de cet ancien ingénieur pétrolier devenu prof de littérature. Le Midwest, le Montana, des images à la Jim Harrison et un ton
singulier qui en font un maître de la novella.
L'Oeil du cricket, James Sallis, Folio policier
Le second James Sallis de l'année. On retrouve Lew Griffin, le détective noir de la Nouvelle Orléans. Toujours les mêmes obsessions, un peu moins de
persuasion de la part de l'auteur de Drive, son chef d'oeuvre.
La Horde du Contrevent, Alain Damasio, Folio SF
J'avais ce roman culte de la SF française dans ma bibliothèque depuis longtemps. J'ai fini par l'ouvrir et le lire. Beaucoup de très belles inventions,
mais un peu de gras. A lire quand même, ne serait que pour frimer dans les dîners.
Monroerama, Françoise-Marie Santucci, Stock
De toutes les publications consacrées à MM au moment du cinquantenaire de sa mort, celle-ci est certainement la meilleure. Une bio composée de textes
croisés, dirigée par la journaliste Françoise-Marie Santucci.
Emily, Stewart O'Nan, L'Olivier
J'avais beaucoup aimé Speed Queen du même Stewart O'Nan, moins ses romans suivants. Je retrouve curieusement dans cette histoire de vieille
dame bourgeoise un peu ennuyeuse (la vieille dame, pas l'histoire) cette capacité à construire des personnages crédibles et leur inventer une vie qui m'avait dans séduit dans les mémoires fictifs
de la tueuse "white trash".
Cible mouvante, Ross Macdonald, Gallmeister
Première enquête de Lew Archer, détective dur à cuire dans la tradition chandlerienne. Du vrai bon polar classique à acheter rien que pour encourager
le travail de réédition des petits maîtres du polar ricain entamé par Gallmeister.
Anquetil tout seul, Paul Fournel, Seuil
Je vais être franc avec vous, j'ai toujours eu du mal à admirer la prose cyclistique d'Antoine Blondin. Toujours eu l'impression que le barbu s'offrait
un peu de littérature sur le dos des héros du vélo. Ce texte de Fournel est le contraire d'une épopée, c'est un précis d'admiration qui met en miroir le destin d'Anquetil, génie du vélo un peu
distant, et celui de son jeune admirateur qui deviendra plus tard l'un des plus précieux écrivains français...
Federico ! Federico !, François Garcia, Verdier
Là on fait dans l'intime et le local. Garcia raconte depuis deux romans l'histoire de mon quartier. Le premier, Jours de marché, aurait pu
être la biographie de mon grand père, émigré du Pays-basque à Bordeaux en 1914, à quelques détails près. Le second met en scène des mecs qu'aurait pu croiser mon père, dans les rues du quartier
de la Victoire ou au Lycée Montaigne. Je ne suis pas certain que ce genre de littérature trouverait grâce aux yeux d'un lecteur ignorant tout de notre histoire et géo locales, mais pour moi,
c'est précieux.
Les neuf dragons, Michael Connelly, Points Seuil
Une erreur. J'avais plus rien à lire et il y avait ça sur la table de nuit... Désolé.
L'Avortement, Richard Brautigan, 10:18
J'aime beaucoup cette manière qu'a Brautigan de mêler humour et désenchantement. Ce joli texte dit aussi beaucoup sur une époque (les sixties
américaines) moins insouciante qu'on pourrait le croire.
Suicide, Édouard Levé, POL
Edourd Levé écrit Suicide, puis se suicide. Moi je le lis et, pour l'instant, ça va.
Total Recall, Philip K. Dick, Folio SF
Je n'ai pas eu la patience d'attendre que J'ai Lu publie une nouvelle traduction de ces nouvelles alors j'ai lu la "vieille" mouture chez
Folio.
L'étrange vie de Nobody Owens, Neil Gaiman, J'ai lu
Ce que j'ai écrit plus haut sur Gaiman vaut aussi pour Nobody Owens. C'est excellent.
Soul circus, George P. Pelecanos, Seuil Policier
Pelecanos semble s'être mis en tête de cuisiner de la littérature avec tous les problèmes américains. C'est un peu amer, mais violent et très
beau.
La chartreuse de Parme, Stendhal, Folio
Jamais lu. Toujours repoussé. Le roman total qui aurait dû achever l'histoire de la littérature à sa parution. C'est effectivement prodigieux mais
parfois un peu chiant (quand même).
Harry Potter, tomes 1 à 7, Gallimard
Depuis quelques années, je lis des livres à mon fils aîné. Cette année, nous avons entrepris de nous farcir la saga de J.K. Rowling. Sans déplaisir
pour ma part et avec passion pour mon morpion de neuf ans.
Mauvais fils, George P. Pelecanos, Points Seuil
Un bon roman familial, déchiré mais optimiste. A lire.
Réserve ta dernière danse pour Satan, Nick Tosches, Allia
Nick Tosches est un gros branleur qui publie beaucoup de petit livres - qui sont en fait de longs articles - un peu décousus, sur certains aspects
méconnus de la culture populaire américaine, la musique en particulier. Ici, c'est à la production musicale de l'époque Doo-Wop qu'il s'attaque. J'ai pas tout compris.
Cleveland, Harvey Pekar & Joseph Remnant, Ça et Là
Harvey Pekar a une trajectoire singulière. Scénariste, il a choisi sa propre vie comme matériau. Mise en image par des talents aussi divers que Robert
Crumb et la jeune scène bédé américaine. Cleveland est un récit hommage à sa ville natale, servie par le dessin modeste et pertinent de Joseph Remnant. Beau livre.
14, Jean Echenoz, Minuit
Echenoz poursuit sa nouvelle manière dans ce court roman qui met
en scène quatre jeunes gens issus de la même petite ville et envoyés au front en 14. Du mort des premiers jours à la "gueule cassée" rescapée, ces garçons racontent la boucherie de 14. On est
loin de l'ironie distanciée et virtuose des premiers romans mais c'est toujours un très beau texte qui fait croire en la force de la littérature.
Gains, Richard Powers, Le Cherche-Midi.
Gloire à Lot 49, la collection crée au Cherche Midi par Claro et
Hofmarcher qui se sont mis en tête de traduire et d'éditer des textes pointus américains. Gains est le sixième roman de Richard Powers publié dans cette collection. L'oeuvre du bonhomme
est assez inégale et il faut avouer que ce dernier texte est loin du brio de Trois fermiers s'en vont au bal par lequel je l'ai découverte. Il est ici question d'une femme de la middle
class américaine atteinte d'un cancer dont l'histoire est mise en parallèle avec celle de la firme Clare principal employeur de sa ville et pollueuse meutrière.
Fab Lab, l'avant-garde de la nouvelle révolution industrielle, Fabien Eychenne,
fyp
Où l'on retrouve une de mes obsession : le développement de lieux et de structures propores à accueillir et faciliter la reprise en main du monde technologique par les utilisateurs. Fabien Eychenne, membre de Fédération Internet Nouvelle Génération et expert en processus favorisant l'innovation partagée décrit les différentes formes que peuvent prendre ces laboratoires de prototypage rapide qui pourraient permettre à chacun de produire des objets technologiques avancés. On y revient très bientôt.
Féerie Générale, Emmanuelle Pireyre, L'Olivier.
Au départ bonne surprise de la rentrée, ce texte d'Emmanuelle Pireyre récupère les discours standards de la communication pour les démonter et en faire
autre chose. Produire de la littérature en kit et lui donner sens, c'est un beau programme. Dommage que l'ensemble laisse un goût d'inachevé et de plaisanterie virtuose.
Les anneaux de Saturne, G. W. Sebald, Babel
et Les émigrants, G. W. Sebald, Babel
J'ai lu l'an passé Austerlitz de Sebald en me promettant d'y revenir. Ces deux très beaux textes sont des prérégrinations physiques : voyages,
promenades, biographies, errances au coeur de ce qui fait l'Europe. Du déracinement, de l'exil, des questions. Ces récits qui retracent des biographies diverses se nouent autour de la biographie
même de l'auteur qui les catalyse et leur donne sens. Rétrospectivement, j'ai de la chance d'avoir lu ces deux livres magnifiques.
Le cycle de Narnia, C. S. Lewis, Gallimard
Deuxième saga lue avec mon fistion. Un très beau livre qui me laisse à penser que Mme. Rowling a quelques dettes à l'égard de ses grands anciens que
sont Tolkien et Lewis. Si vous avez des mômes, offrez leur Narnia.
Savages, Don Winslow, LGF
Du polar contemporain comme je l'aime. Ca va vite, c'est violent et sexy. Ca bouge vite avec un rien de mélancolie. C'est très bien.
Congo, une histoire, David Van Reybrouck, Actes Sud
Le dernier grand chantier de lecture de l'année. Une histoire du Congo (ex Congo belge, ex Zaïre) d'avant la colonistaion à nos jours par un journaliste érudit belge qui a eu le talent de se mettre lui même en scène dans son enquête et ses rencontres. Un livre singulier et éclairant, pas seulement sur l'histoire du seul Congo mais sur la géopolitique à l'oeuvre dans l'asservissement de l'Afrique aux logiques économiques mondialisées et sur ce que les peuples subissent. Je n'avais jusqu'à présent aucun intérêt pour l'Afrique, je suis en train de changer d'avis.